The Weary Blues

De Langston Hughes

Langston Hughes (1902-1967) est l'un des plus importants écrivains noir-américains. Il fut un des principaux acteurs de la « Harlem Renaissance ». Ce mouvement culturel multiforme (littérature, théâtre, arts graphiques, musique) a duré du lendemain de la Première guerre mondiale jusqu'au milieu des années trente. Ce mouvement très créatif était aussi porteur d'aspirations et de critiques sociales concernant le peuple noir-américain et l'Amérique dans son ensemble. On en aura un petit aperçu dans les poèmes de Langston Hughes qui suivent.

Pour découvrir la « Harlem Renaissance », il faut lire « Harlem 1900-1935 » sous la direction d'Isabelle Richet (éditions autrement, série Mémoires, 1993). Une anthologie de textes fondamentaux en anglais a été éditée aux éditions Penguin Books : « The portable Harlem Renaissance Reader » (edited by David Levering Lewis). On doit pouvoir la trouver chez « Shakespeare and Co ».

Un coffret passionnant comprenant un livret en anglais de 98 pages et quatre CD de jazz, de blues et de textes est sorti en l'an 2000 à Los Angeles sous la direction de Shawn Amos : « Rhapsodies in Black, Music and Words from The Harlem Renaissance ». On peut trouver ce coffret (Rhino Entertainment Company) chez les disquaires en France ou inciter des responsables de médiathèques à le commander.

Pour revenir à Langston Hughes, il a laissé une œuvre abondante de poète, de nouvelliste, de dramaturge et d'essayiste. Les poèmes qui suivent sont extraits de son premier recueil paru en 1925, « The Weary Blues ».

LE NÈGRE PARLE DES FLEUVES

J'ai connu des fleuves
J'ai connu des fleuves anciens comme le monde et plus vieux
            que le flux du sang humain dans les veines humaines.

Mon âme est devenue aussi profonde que les fleuves.

Je me suis baigné dans l'Euphrate quand les aubes étaient neuves.
J'ai bâti ma hutte près du Congo et il a bercé mon sommeil.
J'ai contemplé le Nil et au-dessus j'ai construit les pyramides.
J'ai entendu le chant du Mississipi quand Abe Lincoln descendit
            à la Nouvelle-Orléans, et j'ai vu ses nappes boueuses transfigurées
            en or au soleil couchant.

J'ai connu des fleuves :
Fleuves anciens et ténébreux.

Mon âme est devenue aussi profonde que les fleuves.

(paru dans la revue « Crisis » en 1921)

MOI AUSSI

Moi aussi, je chante l'Amérique.

Je suis le frère à la peau sombre.
Ils m'envoient manger à la cuisine
Quand il vient du monde.
Mais je ris,
Et mange bien,
Et prends des forces.

Demain
Je me mettrai à table
Quand il viendra du monde
Personne n'osera
Me dire
Alors
« Mange à la cuisine ».

De plus, ils verront comme je suis beau
Et ils auront honte, -

Moi aussi, je suis l'Amérique.

LE BLUES DU DÉSESPOIR
[THE WEARY BLUES]

Fredonnant un air syncopé et nonchalant,
Balançant d'avant en arrière avec son chant moelleux,
            J'écoutais un Nègre jouer.
En descendant la Lenox Avenue l'autre nuit
A la lueur pâle et maussade d'une vieille lampe à gaz
            Il se balançait indolent...
            Il se balançait indolent...
Pour jouer cet air, ce Blues du Désespoir.
Avec ses mains d'ébène sur chaque touche d'ivoire
Il amenait son pauvre piano à pleurer sa mélodie.
            O Blues !
Se balançant sur son tabouret bancal
Il jouait cet air triste et rugueux comme un fou,
            Tendre Blues !
Jailli de l'âme d'un Noir
            O Blues !

D'une voix profonde au timbre mélancolique
J'écoutais ce Nègre chanter, ce vieux piano pleurer –
            « J'n'ai personne en ce monde,
            J'n'ai personne à part moi.
            J'veux en finir avec les soucis
J'veux mettre mes tracas au rancart. »
Tamp, tamp, tamp ; faisait son pied sur le plancher.
Il joua quelques accords et continua de chanter –
            « J'ai le Blues du Désespoir
            Rien ne peut me satisfaire.
            J'n'aurai plus de joie
            Et je voudrais être mort. »
Et tard dans la nuit il fredonnait cet air.
Les étoiles disparurent et la lune à son tour.
Le chanteur s'arrêta de jouer et rentra dormir
Tandis que dans sa tête le Blues du Désespoir résonnait.
Il dormit comme un roc ou comme un homme qui serait mort.

NÈGRE

Je suis un Nègre :
            Noir comme la nuit est noire,
            Noir comme les profondeurs de mon Afrique.

J'ai été un esclave :
            César m'a dit de tenir ses escaliers propres.
            J'ai ciré les bottes de Washington.

J'ai été ouvrier :
            Sous ma main les pyramides se sont dressées.
            J'ai fait le mortier du Woolworth Building.

J'ai été un chanteur :
            Tout au long du chemin de l'Afrique à la Géorgie
            J'ai porté mes chants de tristesse.
            J'ai créé le ragtime.

Je suis un Nègre :
            Les Belges m'ont coupé les mains au Congo.
            On me lynche toujours au Mississipi.

Je suis un Nègre :
            Noir comme la nuit est noire
            Noir comme les profondeurs de mon Afrique.

Pour en savoir plus sur ce poète et sur la « Harlem Renaissance » :
http://www.poets.org/,
http://www.library.utoronto.ca/utel/rp/poems/hughes2.html
[ndlr du 02/08/2008 : utilisez plutôt http://rpo.library.utoronto.ca/poet/172.html],
et http://www.nku.edu/~diesmanj/.

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URL d'origine de cette page http://culture.revolution.free.fr/poesie/Langston_Hughes-The_Weary_Blues.html

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